La collation particulière
Numéro #CUISINE
Aujourd’hui on a rendez-vous avec Christophe dans la cuisine de l’hôpital. Ici on appelle la cuisine UCP pour Unité Centrale de Production.
Des énormes louches, des paquets de pâtes géants et des spatules pour mélanger qui ressemblent plus à des rames qu’à des spatules. On comprend vite que c’est plus qu’une cuisine.
Nourrir tout l’hôpital – Ehpads et personnel compris – c’est à la fois une sacrée responsabilité et un rendez-vous à ne pas manquer. Tout est fait pour assurer même en cas de soucis. Ici on a toujours un coup d’avance, c’est la base.
La nourriture à l’hôpital a une sale image. Avant de venir ici je pensais que c’était une entreprise privée qui livrait des plats tout faits. J’imaginais des plats de mauvaise qualité réchauffés sur place. Mais non : au rez-de-chaussée de l’hôpital, il y a une équipe de 50 personnes qui se relaie pour préparer à manger.
90% des plats sont faits maison. C’est plus que dans beaucoup de restaurants.
« Si l’on réduit le soin au seul fait de soigner une pathologie, alors on passe à côté de l’essentiel, notamment le bien-être » me raconte Christophe pendant la visite. C’est vrai qu’il y a toute une dimension affective autour des repas et que notre bien-être est aussi lié à notre manière de manger.
Dans un séjour à l’hôpital les repas rythment – encore plus qu’habituellement - les journées.
L’équipe de la cuisine fait le maximum pour que le moment du repas soit le plus agréable possible.
Pourtant cuisiner pour les patient.e.s revient à naviguer dans un océan de contraintes : normes sanitaires, impératifs liés aux soins, contraintes budgétaires... les marges de manœuvre sont faibles. Pour respecter les normes, tout doit se passer en liaison froide. Tout ce qui est cuisiné doit être directement refroidi après sa production.
C’est nécessaire pour la sécurité sanitaire et maîtriser l’envoi des plats dans les services suivant les jours de consommation. C’est aussi un peu frustrant quand on comprend que ce qui vient d’être cuisiné doit être refroidi pour être réchauffé ensuite. Quand on voit ce qui sort, on aurait envie que ce soit servi tout de suite. C’est ce protocole obligatoire qui donne cette sensation de « plat réchauffé ».
Cette contrainte empêche de faire une bonne partie des plats réconfortants : tout ce qui est croustillant par exemple, dont les frites !
Pour contourner ces contraintes, l’équipe de la cuisine travaille des plats en sauce, priorise des recettes qui vont mieux résister au passage au froid et à la remise en température. Elle cherche des astuces pour que les plats ne se dessèchent pas trop.
Leur savoir-faire est vraiment là : faire le maximum pour les patient.e.s et les personnels dans une latitude d’action très restreinte. Offrir le meilleur possible — même dans des conditions complexes — c’est un engagement qui reste fort.
Ensuite on traverse les pièces où sont stockées les matières premières. C’est impressionnant.
Il y a une traçabilité hyper précise de tout. Ici on dit qu’on est capable de tracer un aliment « de la fourche à la fourchette ». 15 tonnes de matières premières sont transformées par semaine.
On passe à côté d’une énorme marmite de soupe.
Il y en a 300 Litres de produite par jour.
Pour se faire une idée une baignoire c’est environ 150 Litres, même si je vous déconseille de vous baigner dans la soupe.
Les normes sanitaires interdisent de travailler des légumes terreux. Ce qui est dommage quand on sait que les légumes poussent dans la terre. En fait, ils doivent juste arriver déjà lavés.
Ça complique la donne pour travailler en local. Christophe me raconte qu’une entreprise du Val-de-Saire qui produit des frites vient livrer des pommes de terre déjà lavées. Les cuisinier.e.s les passent dans le potage. C’est un détail mais ça évite d’utiliser des pommes de terre en poudre et la texture de la soupe est meilleure. On est sur ce niveau de stratégie et ça fait plaisir à entendre.
J’apprends aussi que pour les Ehpads, les plats partent en portions groupées pour que le personnel puisse ensuite réaliser sur place un service à l’assiette. Pareil pour le fromage qui est livré en morceaux entiers. Ce sont des détails, mais ça met plus le moral de se couper un morceau de fromage que de le recevoir dans une barquette en plastique.
On sait que se nourrir c’est faire des choix et des gestes qui comptent. Couper son fromage ça compte. Et c’est un vrai engagement de la part de l’équipe de la cuisine que d’avoir ce genre d’attention pour les ainé.e.s. J’ai un ami qui dit souvent le confort est fait de détails. C’est vrai.
Je vous laisse là dessus : bon appétit !
☼ Content ☼ d’avoir ☼ passé ce moment ensemble ☼
Merci à Christophe,
responsable de la cuisine du Chpc pour l’accueil.
Merci à Christele et aux résident·e·s de l’éhpad du Gros Hêtre pour les dessins.
Cette publication existe grâce à la volonté et à l’engagement :
du Frac Normandie et de son équipe, notamment Pierre ;
du CHPC, notamment Cindy ;
Cette résidence bénéficie du soutien de la Drac Normandie dans le cadre du dispositif Culture Santé et Médico-social et du CHPC.
Version papier imprimée sur les presses du CHPC en septembre 2025,
au service reprographie avec Sandrine.
Les typographies utilisées sont Luciole et Publifluor
La diffusion de ce journal sur votre plateau repas
est rendue possible par les équipes de la Cuisine du CHPC : un grand merci.
Si vous souhaitez m’écrire, c’est possible : bonjour@antoinegiard.com
→ un magazine réalisé par Antoine Giard à partir de rencontres avec les personnels de l’hôpital et diffusé directement sur votre plateau repas. J’espère que ça vous a plu.